Un film de Armelle Giglio-Jacquemot
Film (67’) en portugais sous-titré en français.
DVD NTSC All zones
Prix des Rencontres internationales du film de chercheurs
(Lyon, Février 2011)
Sélectionné par les festivals :
Corsica.doc (Ajaccio, 2010) – II Festival do Filme Etnográfico (Recife, 2010) – “I MOVE” Mostra de Vídeo Etnográfico (Goiânia, 2010) – Mostra Audiovisual Fazendo Gênero (Florianópolis, 2010) – 14a Mostra Internacional do Filme Etnográfico (Rio de Janeiro, 2009) – Festival “Filmer le travail” (Poitiers, 2009) – Miradas Etnográficas (Buenos Aires, 2009)
Synopsis
Comme beaucoup de jeunes rurales de sa condition au Brésil, Nice a quitté son village pour s’employer en ville chez des patrons aisés. Elle est bonne à demeure dans une grande maison où elle vit confinée. Caméra à la main, la réalisatrice accompagne la jeune femme qu’elle connaît depuis plusieurs années dans l’exécution, au jour le jour, de ses tâches domestiques. Elle montre Nice au travail et on comprend les diverses dimensions de cette tâche : son caractère physique, fastidieux et répétitif ; son ampleur et sa variété ; la dépense d’énergie et la charge mentale qu’elle représente ; la maîtrise des techniques qu’elle suppose pour répondre aux exigences de propreté des employeurs. Elle met en lumière certains traits du ménage « à la brésilienne ».
Mais le film ne décrit pas seulement un travail souvent ignoré ou mésestimé. Il donne aussi la parole à Nice qui, passant du rire aux larmes, exprime son point de vue sur son travail et sa condition, livre son vécu de bonne à tout faire : sentiment de stagnation et de limitation, absence de valeur et de reconnaissance, mépris, gêne et responsabilité sont parmi les thèmes cruciaux qu’elle aborde durant le tournage des images du travail. Et parce que sa vie est aussi un peu ailleurs, elle nous entraîne par moments dans l’au-delà du travail domestique avec ses joies, ses projets, ses craintes.
Le film d’une ethnologue
« Durant les 67’ du film, je voulais que les spectateurs soient confinés comme Nice dans la grande maison où elle passe le plus clair d’une vie dominée par un travail harassant et asservissant, qu’ils ressentent sa solitude, son isolement, son sentiment de limitation et de stagnation, sa fatigue, suffisamment en tout cas, pour qu’il ne soit pas nécessaire qu’elle les en convainque par son discours mais que son discours vienne seulement confirmer et renforcer leur perception ou la mettre en mot. […]"
Entretien avec Armelle Giglio-Jaquemot
Qu’est-ce qui vous a poussée à faire ce film sur Nice ?
Ce qui m'a profondément animée en faisant ce film, c'est la volonté de tirer Nice de l'invisibilité qui la frappe dans cette grande maison où - malgré toute l'énergie et le soin qu'elle déploie – l'utilité et même la réalité de son travail sont ignorées de ceux qui l'emploient, comme c'est le cas de la grande majorité des bonnes que j'ai vues travailler dans des familles brésiliennes depuis plus de 20 ans.
Comment avez-vous abordé le travail ?
Dans "Nice, bonne au Brésil", l'ethnographicité est le moyen choisi pour « rendre visible » Nice, pour fournir un accès authentifié à son travail, à son point de vue, à son expérience, qui, tout en étant singuliers, sont aussi partagés par de nombreuses bonnes, à demeure ou pas. Ce qui confère aussi au film une dimension sociologique.
Quel est le rapport avec le regard de l'ethnologue ?
En tant qu'ethnologue j'étais attachée à proposer un regard sur la réalité prise pour objet qui mettent l'accent sur la descriptivité et l'émicité qui sont, à mon sens, deux dimensions majeures du propos anthropologique en général.
A savoir, pour la descriptivité, un souci de description des actions qui passe par l'observation fine et prolongée des pratiques, des comportements, des gestes (observation préalable au tournage et qui représente un type de repérages particulier, à base d'anthropologie professionnelle et de séjours de longue durée, qui permet de mettre en valeur des aspects du réel de référence qui ne sont pas accessibles à un profane grâce à une connaissance approfondie de la réalité prise pour objet. Quand je filme Nice au travail (Nice que je connais depuis 6 ans à ce moment-là), j'ai en arrière-plan la connaissance préalable de son travail comme de celui de nombreuses autres bonnes et c'est cette connaissance préalable qui a orienté le choix du sujet. En d'autres termes, les repérages n'ont pas été effectués dans l'intention de faire un film, comme c'est souvent le cas dans les documentaires sans intention anthropologique, ils en ont été le préalable).
A savoir pour l'émicité, un souci de restitution émique de ces actions, c'est-à-dire une attention particulière portée au point de vue de l'acteur (ici Nice) qui exige, pour être appréhendé, le partage prolongé de son quotidien ou encore l'expérience d'une immersion qui seule permet d'accéder intimement à "sa vision de son monde", comme dirait Bronislaw Malinowski.
Mon point de vue d'ethnologue c'est aussi que descriptivité et émicité sont intimement liées dans la mesure où l'on ne saurait bien décrire les actions sans accéder d'abord au sens que leur confèrent ceux qui les réalisent et les vivent. C'est pourquoi j'ai aussi essayé de les lier dans le film.
Je pense que la descriptivité et l'émicité sont aptes à produire un regard singulier sur les réalités étudiées et à refléter une sensibilité particulière, et mon objectif (le défi) a donc été d'essayer de faire un film qui réussisse à les exprimer en images et en sons, c'est-à-dire de faire un film véritablement ethnographique, à mon sens (ce qui supposait que le discours filmé soit organisé et articulé autour de ces deux dimensions et par conséquent une série de choix opérés à toutes les étapes de la fabrication du film en vue de les faire passer, sur lesquels je ne vais pas m'étendre).