Le défi de Brasília consiste surtout à mettre enfin un terme à la déforestation en Amazonie, malgré le lobbying actif de son agro-industrie.
La déforestation est l'une des causes majeures du réchauffement climatique. Et dans ce domaine, le Brésil est l'un des plus grands pollueurs de la planète: la déforestation représente 75% des émissions de gaz à effet de serre du pays. Ce phénomène concerne surtout l'Amazonie, qui a un rôle central dans le cycle mondial du carbone. Le Brésil est dès lors très critiqué par les pays développés pour son incapacité y à mettre la fin. Incapacité qui, à leurs yeux, met en lumière la faible souveraineté effective du pouvoir central dans cette région du pays et qui requiert une internationalisation du sujet. Ces mises en cause affaiblissent la position de Brasília dans les négociations climatiques internationales en cours.
Le Brésil, puissance économique émergente, est devenu un des plus gros exportateurs mondiaux de matières premières agricoles et de produits issus de l’élevage. Depuis une vingtaine d’années, les niveaux de production sont extrêmement élevés. En même temps s’est également imposée la conscience de la valeur – économique, entre autres – du patrimoine naturel de ce pays aux dimensions continentales, surtout en ce qui concerne les biens communs « stratégiques » comme l’eau douce, la forêt et la biodiversité.
L’importance de la richesse socio-environnementale du Brésil est réputée : c’est le premier des pays « mégadivers » de la planète, qui comprend environ 10 à 20 % du biotope mondial. Les écosystèmes y sont uniques : le Brésil regroupe 28 % des forêts primaires du globe, un tiers des forêts tropicales et plus de 20 % du flux superficiel d’eau douce. L’Amazonie joue donc un rôle fondamental pour la stabilité environnementale et climatique de la planète, émettant dans l’atmosphère 7 000 milliards de tonnes d’eau par an, et captant d’énormes quantités de CO2, (environ 10 % du total absorbé par les écosystèmes terrestres). A l’image de la nature, la société brésilienne est aussi « mégadiverse » de part ses multiples origines, de sa culture et de son mode de relation au territoire et de ses sociétés traditionnelles. Les peuples autochtones ont vécu pendant des siècles en exploitant les ressources disponibles et en utilisant l’environnement sans en altérer les équilibres écologiques fondamentaux, perpétuant des connaissances et des pratiques qui représentent encore aujourd’hui un des patrimoines les plus précieux du pays.
La Révolution verte dans les années 1970 marque une accélération de la dégradation des espaces naturels jusqu’alors peu anthropisés. L’attribution d’aides étatiques et la spéculation foncière sont les principales dynamiques qui ont permis l’avancée de la frontière agricole aux dépens de la forêt. L’occupation de nouvelles terres est le résultat d’une politique de colonisation spécifique qui privilégie un modèle de développement et d’intégration de la région amazonienne, fondé sur d’importants investissements dans les infrastructures et des incitations fiscales pour convertir de grandes zones de cerrado et de forêt en pâturages et en cultures. La pénétration vers l’intérieur du pays de techniques agricoles « industrielles », inadaptées à cette région tropicale fragile est un des facteurs les plus importants de la destruction du milieu naturel.
Dans les années de récession, 1980 et 1990, la réduction des investissements publics a été largement compensée par la forte croissance de l’agrobusiness, de l’élevage, de l’industrie du bois et de la spéculation sur les terres publiques. Les nouvelles techniques ont permis d’augmenter les rendements pour certains produits comme les oléagineux, le pays devenant même très compétitif au niveau international, ce qui a encouragé le défrichage et l’occupation de nouveaux espaces.
Les investissements publics dans la région amazonienne reprennent vers la fin des années 1990 avec des programmes comme Brasil em Acção (1996-2002) et, quelques années plus tard, avec le grand plan gouvernemental de développement des infrastructures Avança Brasil (2000-2003). Ces gigantesques campagnes d’investissement ont été très critiquées pour leurs conséquences potentiellement dévastatrices sur l’environnement, notamment pour les espaces se trouvant à proximité de nouvelles routes. Celles-ci rendent possible l’exploitation du bois dans de nouvelles zones forestières, et accélèrent le processus de conversion des terres en pâturages et champs cultivés.